Tous les employés y sont confrontés au moins une fois dans leur carrière : ce moment au cours duquel, en fin de journée, après 7 ou 8h de travail, surgissent les questions auto-culpabilisantes. Entre les pots de départ, les emails à vérifier, et les présentations à relire à la dernière minute, tout devient un prétexte pour rallonger son temps de présence au bureau.
Saviez-vous que cette attitude a bien un nom ? C’est le présentéisme, phénomène très commun, augmenté par la compétitivité et la pression productive, qui pousse les employés, les managers ou encore les indépendants à être présents au bureau même en cas de maladie ou de manque de motivation. Le but généralement est de se conformer à la culture d’entreprise.
Théorisé aux États-Unis, le présentéisme est l'opposé de l’absentéisme. Ce phénomène désigne la dissociation de la présence physique et de la présence mentale : le travailleur assure sa présence au travail, parfois même en étirant les heures de bureau mais n’a clairement pas l’esprit au travail.
Nous pouvons la considérer comme une maladie du travail silencieuse, qui peut se manifester avec des pathologies de surcharge : irritabilité, maux de tête, anxiété, perte de mémoire, problèmes articulaires, ou encore fatigue intense.
Tout le monde peut être touché par le présentéisme, que l’on soit salarié, travailleurs de professions libérales ou indépendants. En effet ces derniers peuvent se sentir sous pression de peur de perdre un client ou avoir l’impression de ne pas en faire assez pour mériter le statut « entrepreneur », ou encore par manque de différenciation entre vie professionnelle et vie personnelle.
La psychologue du travail, Océane Marchand, soutient que le présentéisme est plus fréquent que l’absentéisme : “Lorsqu’on s’absente de son lieu de travail, c’est visible. Mais le présentéisme est invisible, ce qui le rend moins considéré”. Vu son invisibilité, le présentéisme est difficile à déchiffrer, surtout qu’il peut prendre plusieurs formes.
Parmi les différents visages que peut avoir le présentéisme, nous trouvons :
La France est un des pays les plus touchés en Europe par le présentéisme, sous toutes ses formes. Cela s’enracine dans une tendance qui valorise naturellement les bosseurs, les cadres qui ne comptent pas leurs heures. Cela se trouve en effet inscrit dans le discours collectif : plus on passe de temps au travail, plus on a l’impression de réussir. Dans certains pays comme la Suisse ou les États-Unis, rester trop longtemps au bureau est interprété d’une manière négative, car preuve d’un manque d’organisation et même de négligence de son couple ou de sa famille. Dans ces cultures, le temps de travail n’est pas un souci, le plus important c’est que le travail soit bien effectué.
Il est important de préciser que le présentéisme n’est pas forcément une réponse à un employeur ou à une ambiance de travail dictatoriale. Le salarié peut se présenter au travail malgré sa maladie par exemple, pour des raisons personnelles, comme l’envie d’avancer dans la carrière, la peur de prendre du retard dans ses missions ou pour ne pas délaisser ses collègues ou ses clients. L’employé peut aussi avoir des raisons financières qui l'empêchent d’accepter son absence du poste de travail.
Même si le présentéisme pourrait presque sembler bénéfique pour les entreprises, avec des travailleurs qui ne prennent pas leurs congés, qui travaillent jusque tard le soir et même pendant le week-end, il est en réalité un concentré négatif pour les salariés ainsi que pour l’organisation.
En effet il représente un coût non négligeable : les heures supplémentaires au travail ne riment pas nécessairement avec productivité. Le surinvestissement peut cacher un travail de moindre qualité , ou une quantité de travail réduite. De manière générale, cette maladie nuit au rendement de l’entreprise car cela a aussi des effets sur l’ambiance de travail, qui peut se dégrader jusqu’à arriver au point de causer des coûts d’image dus à l’insatisfaction des clients et à la détérioration de la marque employeur.
Le collaborateur peut aussi souffrir de problèmes de santé liés à ce présentéisme. Au Japon, par exemple, le terme « karoshi » indique la mort par surtravail à cause d'un arrêt cardiaque dû au stress et aux charges de travail trop importantes. Ceci prouve que le présentéisme peut provoquer des pathologies qui peuvent être fatales et un fort risque de burn-out.
La première piste serait de commencer par apprécier la qualité, en arrêtant de glorifier la quantité et en modifiant la pression sociale. C’est une problématique culturelle, qui peut être solutionnée par l’entreprise, en choisissant de mettre en place des stratégies managériales qui peuvent avoir de l’impact.
Il est possible, et assez simple, de promouvoir un rapport équilibré au travail, avec des dirigeants qui donnent l’exemple en travaillant sereinement. Ceci contribue à installer un climat de confiance où le sentiment de culpabilité lié à une absence n’a pas lieu d'être. Le travail ainsi que la santé des collaborateurs doivent être valorisés. Le dialogue est bien évidemment essentiel pour décrypter des signes de présentéisme et améliorer la situation en ajustant, s’il le faut, les conditions de travail ou en recommandant des soins, si l’état de santé en est la cause.
Les managers doivent se soucier du bien-être des collaborateurs, pour conjuguer épanouissement et productivité. En effet, pour un travail efficace, il est indispensable d’être dans un état de forme optimal ; en cas de maladie, il faut prendre le temps de se soigner.
Pour prévenir le présentéisme, il est possible de suivre des bonnes pratiques comme celle d’instaurer des horaires d’ouverture et de fermeture des locaux fixes, avec l’interdiction d’envoi d’emails en dehors des heures de travail préfixées. Une autre bonne pratique est celle d’aider les collaborateurs dans l’identification de la surcharge de travail en prévoyant des formations de sensibilisation, ou encore d’autoriser le télétravail. Ces mesures aident à prévenir l’absentéisme et aident à la diminution durable du présentéisme, pour que l’on puisse le prévenir, et intervenir de façon efficace.