Expatrié. Le terme désormais familier transporte à sa suite des images de personnes travaillant dans un pays qui n’est pas le leur, entourées d’un statut juridique et professionnel particuliers. L’impatrié en revanche renvoie à une vision un peu plus floue. Pourtant, depuis plusieurs années le phénomène d’impatriation s’accentue en France. Il dispose même d’un statut fiscal renforcé. Quel est donc ce mouvement et qui sont les impatriés de France ?
Dans la législation fiscale française, l’impatrié correspond à une personne qui arrive de l’étranger pour travailler dans une entreprise établie en France. Il peut s’agir de mobilité intra-groupe dans le cas d’une prise de fonction dans la filiale française d’un groupe international. Il peut aussi s’agir d’une embauche externe lorsque l’entreprise possède son siège social en France et recrute à l'étranger. La nationalité de l’impatrié ou la durée du séjour en France importent peu. Le facteur important correspond au fait que le domicile fiscal de cette personne ne se trouvait pas en France pendant les cinq ans qui précédaient sa prise de poste dans le pays.
Une personne déjà établie en France ou qui décide de s’installer avant tout recrutement n’aura pas le statut d’impatrié pour l’administration fiscale. Il faut noter aussi que les impatriés sont considérés comme des expatriés dans leur pays d’origine.
La mondialisation a conduit l'impatriation à prendre de l'ampleur au cours de la dernière décennie. Les grandes entreprises voient dans le brassage interculturel de ses salariés, le partage de connaissances et la création d’équipes multiculturelles un moyen d’augmenter leur compétitivité.
Par ailleurs, sous la présidence d’Emmanuel Macron et portée par la perspective du Brexit, la France s’engage dans une politique d’attraction de nouveaux talents afin d’améliorer sa compétitivité internationale. En conséquence, le pays favorise l’arrivée des impatriés.
Pourquoi et comment attirer les impatriés en France
Dynamiser une entreprise, apporter des idées, des compétences, innover, assurer un rôle de leader… ces compétences agissent sur la croissance d’une entreprise. Par extension, elles influencent la croissance d’un pays, sa réputation et son attractivité. Voilà pourquoi le gouvernement français, en concurrence avec les autres pays industrialisés, cherche constamment à encourager les talents étrangers à occuper des emplois sur le territoire. Le pays vise particulièrement les profils hautement qualifiés, cadres et dirigeants, et n’hésite pas à légiférer pour soutenir sa politique.
Régime fiscal avantageux
Les impatriés bénéficient d’un régime fiscal spécial prévu par l’article 155B du Code Général des Impôts. Il implique notamment et sous certaines conditions une exonération d’impôts pouvant aller jusqu'à 50 % de des revenus supplémentaires perçus pour travailler à l’étranger pour son employeur mais aussi des plus-values lors de la vente de biens ou actions à l’étranger. Dans une certaine mesure, il permet aussi la déduction des cotisations de retraite à l'étranger du revenu imposable de l’impatrié.
Ces avantages fiscaux plutôt avantageux s'appliquent pendant huit ans pour les salariés en poste depuis au moins le 6 juillet 2016. Avant cette date, le régime fiscal des impatriés s’appliquent pendant cinq ans.
Pour en bénéficier il faut établir son domicile fiscal en France et ne pas avoir été domicilié fiscalement en France pendant cinq ans d’affilée, comme cité précédemment.
La France possède un régime fiscal des impatriés depuis 2004, instauré par la loi de Finances de 2003. Jugé trop rigide et peu attrayant, il n’a eu de cesse d’être modifié. En 2005 tout d’abord puis plus profondément en 2008 afin d’attirer les hauts cadres et dirigeants d’envergure internationale étrangers mais aussi inciter les expatriés français à revenir en France. Au travers de la Loi pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques du 6 août 2015 (article 263) Emmanuel Macron alors ministre de l’Économie avait décidé d’élargir ce dispositif. Il autorise depuis les impatriés à en bénéficier même s’ils changent d’employeur. Plus récemment, un nouvel amendement de la loi fait courir ces avantages fiscaux sur une durée de huit ans.
Exonération sur la prime d’impatriation
La prime d’impatriation fait l’objet d’une exonération d’impôt pour le salarié. Il s’agit en général d’un revenu supplémentaire ou d’avantages accordés à l’employé dans le cadre de son expatriation. Pour favoriser le recours des patrons à l’impatriation, le gouvernement a décidé d’instaurer, s’ils y sont assujettis, une exonération partielle de la Taxe sur les Salaires portant sur la prime d’impatriation.
Fort engagement des entreprises dans l’intégration des salariés impatriés
Côté employeur, les sociétés installées sur le territoire national reconnaissent de plus en plus les apports des impatriés à la culture d’entreprise et au chiffre d’affaires.
Même si l’équipe multiculturelle représente encore un concept balbutiant en France comme dans le reste du monde, ses bénéfices sont déjà reconnus. Les différences de culture enrichissent le mode de pensée d’une équipe. Ce qui permet d’aboutir à des stratégies plus innovantes, plus créatives et au final de faire preuve d’une efficacité accrue. Pour les salariés français, les bénéfices existent aussi. Ils s’améliorent aussi dans la pratique d’une langue étrangère et acquièrent une meilleure connaissance de soi et de l’autre et développent leur intelligence culturelle.
Aboutir à cette situation positive demande une condition : l’impatrié doit se sentir intégré. Ayant pris conscience de ce facteur, les entreprises font désormais des efforts pour créer un environnement favorable à l’intégration.
Les impatriés de France
Alors que le monde des grandes entreprises est en pleine mutation culturelle, rapprochons-nous davantage de ceux qui provoquent ces bouleversements. Depuis 2014, en partenariat avec la Société de Banque et d'Expansion, www.paris21.tv, interroge les impatriés pour mieux connaitre les impatriés. Les résultats de l’enquête de 2018 menée par la chaîne web à destination des étrangers, a permis de dresser un profil un peu plus précis. L’enquête se concentre sur les impatriés de nationalité étrangère travaillant en France en tant que salariés expatriés, détachés par leur entreprise, ou en mission locale ou exerçant une profession libérale ou dirigeants d’entreprise.
Leurs profils
68% des impatriés ont plus de 41 ans et on compte plus d’hommes (57%) que de femmes (43%). Généralement parent d’au moins un enfant de moins de 18 ans, ils s’installent en famille en France. Sept impatriés sur dix sont mariés. La plupart d’entre eux sont employés dans une entreprise locale et 17% seulement ont le statut d’expatrié ou de détaché d’une structure étrangère.
Leurs origines
La grande majorité des impatriés (55 %) vient d’Europe, et, pour être plus précis, 48% d’un pays de l’Union Européenne. En dehors du « Vieux Continent », l’Amérique du Nord représente la principale origine de ces personnes (22%), suivie de l’Asie (9%). Il apparait que les ressortissants de ces deux zones géographiques sont plus nombreux qu’en 2014, année de la première enquête.
Au chapitre des investissements, la situation est comparable puisque les entreprises européennes sont les principaux investisseurs étrangers en France. Une analyse plus fine, pays par pays montre que les entreprises américaines (19 %) caracolent en tête suivies des firmes allemandes (14 %). 9% des investisseurs sont des entreprises britanniques à égalité avec les italiennes. Les firmes japonaises (6 %) sont les premiers investisseurs asiatiques en France. Ce classement des investisseurs étrangers permet d’expliquer partiellement l’origine des impatriés.
Leurs statuts/conditions
Les personnes interrogées ont déclaré résider en France depuis plus de cinq ans pour 51 % d’entre elles. Le pays semble leur convenir puisque 62 % des répondants ont fait part de leur intention de vivre dans l’Hexagone pour une période de cinq ans et plus.
Au titre des salaires, 28% des impatriés gagnent moins de 30 000 euros par ans. Il faut noter qu’en 2014, cette catégorie affichait une proportion de 15 %. De même, alors que 60 % de ces travailleurs touchaient plus de 45 000 euros en 2014, en 2018 la tendance s’est inversée. Ils sont maintenant 51% à gagner moins de 45 000 euros.
La prise en charge du loyer ou l’aide apportée par l’employeur aux impatriés dans ce domaine concernait autrefois une part conséquente des employés. 50 % recevaient une aide en 2014. En 2018, ils sont 23 % à bénéficier d’une prise en charge partielle et 11% d’une prise en charge du loyer. Des avantages souvent négociés au travers du contrat d’expatriation.
À savoir : quelle que soit l’aide de l’entreprise pour le logement, les impatriés doivent couvrir eux-mêmes plusieurs types de frais. Ceux-ci incluent le dépôt de garantie de la location, l’assurance du logement, les frais d’installation (électricité, téléphone…). Fournir une caution locative peut représenter souvent un casse-tête pour les personnes qui viennent d’arriver en France et n’ont pas encore de réseau.
Leurs localisations
48% des impatriés ont choisi de s’installer en province et plébiscitent la région Nouvelle Aquitaine, suivie dans l’ordre de l’Occitanie et de la Bretagne. Paris, avec 40 % des impatriés, a toujours la faveur de ces personnes mais beaucoup moins qu’en 2014 (54 %). Ils préfèrent s’installer dans le 16e, le 7e et le 9e (ex-æquo) et le 17e arrondissement). Ceux qui optent encore pour la région Ile de France hors Paris (12% en 2018 contre 18% en 2014) choisissent les Yvelines, suivies des Hauts-de-Seine puis de la Seine-et-Marne.